Pierre Soulages : peintre de la lumière
Pierre Soulages : peintre de la lumière

Pierre Soulages : peintre de la lumière

Pierre Jean Louis Germain Soulages est né le 24 décembre 1919 à Rodez au 4 rue Combarel. Dans ce coin de la ville de Rodez il y avait de nombreux artisans (potiers, ébénistes… ) Enfant, Soulage apprendra des techniques divers parmi ces artisans. D’ailleurs Soulages fait la différence entre les artistes et les artisans : il dira que les artisans savent ce qu’ils veulent faire contrairement aux artistes qui ne le savent pas toujours

Soulage ne sait pas tout de suite qu’il veut devenir peintre. Il essaiera d’autres activités : rugby, spéléo, avion…

Mais à 12 ans il visite la basilique de Conques (il ne sait pas encore qu’il lui fera de nouveaux vitraux) et c’est à ce moment-là qu’il décide d’être peintre. Il dira à propos du pays de son enfance : « il ne faut pas confondre le pays de son enfance et le souvenir qu’on en a gardé »

En entrant aux Beaux-arts de Rodez on le confrontera à un exercice de dessin : dessiner le torse d’une statue antique. Soulages sait immédiatement que ce n’est pas ce qu’il veut apprendre et s’en va vers les Beaux-Arts de Montpellier. Il y rencontrera Colette qu’il épousera en octobre 1942.

Le couple s’installe à Courbevoix. Le travail de Soulages n’a rien à voir avec ce qui se faisait de son temps : l’abstraction, le cubisme…

Pendant les guerres Soulages se fait passer pour un agriculteur pour ne pas aller au front.

En 1947 il commence une série de 50 œuvres. Ces œuvres sont réalisées avec du brou de noix sur du papier. Les œuvres surgissent, verticales, telles des stèles. Elles font penser à des idéogrammes. Le trait est très maîtrisé car Soulages a horreur de l’expressionnisme.

Ici le noir évoque le blanc et le fait ressortir. D’ailleurs Soulages racontera cette anecdote : quand il était enfant, il dessinait avec de l’encre noire sur du papier. On lui demanda ce qu’il dessinait et il répondit « Un paysage de neige »

En 1948 il reporte un brou de noix qui était sur papier sur toile. On remarque que le report est inexact. Le trait est plus resserré. Mais cela prouve que Soulages maîtrise son geste pour pouvoir le reproduire.

Soulages a de nombreuses sources d’inspiration, comme les peintures rupestres (d’Altamira, par exemple) ou les stèles mésopotamiennes.

Il dira : « Je suis beaucoup plus proche des lions de Chauvet que de la Joconde »

Soulages souhaite que ses œuvres aient une présence, comme l’art mésopotamien. Il dit que les œuvres qui n’ont pas de présence sont juste de la décoration.

Soulages sera assez immédiatement célèbre et continuera à faire des brous de noix pendant deux ans. Il sera invité à l’exposition des dégénérés. Cette exposition montre l’art qui était considéré comme dégénéré par les nazis. D’ailleurs, l’affiche de l’exposition représente un de ses brous de noix. Ça lui a permis de devenir célèbre en Allemagne.

À partir de ce moment-là et pour toujours il titrera tous ses tableaux de la même manière : Peinture, dimension et la date (à laquelle l’œuvre a été acceptée, car Soulages détruit les peintures qu’il considère comme ratées) Les peintures ne sont jamais cadrées, le bord des toiles et simplement recouvert d’un scotch pour cacher les clous.

Une autre de ses œuvres est longtemps restée inédite : Le goudron sur verre, réalisé en 1948. En effet un beau jour

Soulages voit une verrière recouverte de goudron (le goudron était là pour réparer la verrière) Ceci l’a inspiré car tel un vitrail, le noir faisait ressurgir la lumière qui passe à travers la vitre. Déjà, il y a une idée de lumière et de noir. Soulages dira : « Je ne sais pas ce que je cherche je sais juste que je cherche »

Il s’installe dans un petit atelier où il commence à peindre à l’horizontal. Une peinture à l’horizontal est différente d’une peinture verticale. En effet une peinture verticale semble surgir devant nous alors qu’une peinture horizontale invite à une lecture plus longue. Du brou de noix, il passe à la peinture à l’huile et produit des œuvres de clair-obscur abstraite. À ce moment-là, il y a encore de la couleur.

Soulages invente aussi une autre technique. Il commence par peindre de la couleur sur une toile,

ensuite il recouvre de peinture noire et il gratte. Les endroits grattés ressemblent à des fenêtres.

Le résultat, à la verticale, semble surgir comme une stèle.

Le talent de Soulages est reconnu par Léopold Sedar Senghor qui trouve que l’une de ses toiles verticales ressemble à un masque africain et qu’ainsi sa peinture possède une énergie négro-africaine et une réelle présence.

En 1958 il s’installe Rue Galande. Là, il a un plus grand atelier qui lui permet de faire de plus grands formats. Soulages apprécie utiliser des toiles plus grandes que lui (alors qu’il fait un bon mètre 90)

En 1958, il a été invité à la Biennale de Tokyo où il restera 9 mois.

En 1959 il achète une maison à Sète.

Dans les années 1960 il abandonne l’arrachage et produit des tableaux très contrastés entre le blanc et le noir. La fluidité de la peinture noire produit des gris lumières. Soulages dit qu’il « répond aux provocations de la matière »

Comme il peint par terre on remarque qu’il tourne autour de son immense toile.

Les œuvres de cette période sont de plus en plus noires. On atteint presque l’outrenoir, mais il n’y est pas encore tout à fait. L’œuvre de Soulages et totalement indifférente de l’actualité de mai 68.

Soulages aime peindre en noir et blanc, car un tableau en noir et blanc et forcément isolé de la réalité colorée.

De 1972 à 1974 il arrête de peindre sur toile et essaye d’autres techniques comme la gravure et la lithographie.

Une nuit de janvier 1979 (Soulages peint toujours la nuit) il n’arrive pas à peindre correctement il rajoute des couches et des couches de peintures noires. Épuisé, à 4 heures du matin, il va dormir 2 heures et quand il revoit la toile il découvre qu’il a enfin trouvé quelque chose.

En effet, la toile change de couleur selon là où le regardeur se trouve, selon la lumière. La toile reflète la lumière.

De par ce fait, la peinture de Soulages est inphotographiable.

La peinture de Soulages n’est PAS du monochrome, puisqu’il y a bien plusieurs couleurs. Simplement, elles changent selon divers facteurs (lumière, angle…) Pour qualifier ses œuvres, Soulages invente un néologisme : l’Outrenoir. L’outrenoir est un noir plus profond que le noir lui-même.

À partir de ce moment-là, Soulages produira essentiellement des tableaux d’outrenoir.

Dans les expositions, ses tableaux sont accrochés avec des fils d’acier dos à dos de manière à occuper l’espace. Bien sûr, les accrochages sont différents d’une exposition à l’autre.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la couleur n’a pas totalement disparu des tableaux de Soulages. En effet le bleu et le blanc apparaissent parfois. En 2004 il passe à l’acrylique ce qui donne un résultat minimaliste. C’est à ce moment-là qu’il réalise des vitraux pour la basilique de Conques dans une matière qu’il a inventée. Translucide, mais pas transparente. En 2014, Soulages fait une grande donation de tableaux. Pour l’occasion, on ouvre le musée Soulages à Rodez. En 2019 une expo lui est consacrée au Louvres.

À la fin de sa vie, Soulages peint des tableaux moins grands, signe de sa fatigue. Il s’éteint le 26 octobre 2022 à l’âge de 102 ans.

article écrit par Elfée et Mélisse 🐝

sources : https://www.beauxarts.com/